[RÉCIT] Rando dans les Zagros


Récit écrit par Bertrand & Cie et publié à l’origine sur Hikr.org – L’ensembles des photos du voyage sont consultables ICI. Retrouvez également tous les topos sur Camp2Camp.org.

Introduction

La chaîne du Zagros borde l’Iran sur son coté occidental, culminant à près de 4500m, très enneigée en hiver elle offre l’un des plus beaux terrains de jeux qui soient pour le ski de randonnée exotique. Certes les plus hauts sommets sont souvent trop reculés pour être atteints en hiver (ou alors seulement en mode expédition avec tente & cie), mais des centaines de sommets et de vallons entre 3000 et 4000m sont accessibles à la journée depuis les villages de montagne Bakhtiaris dont les plus hauts (habités à l’année !) se situent à plus de 2400m. Le relief est comme taillé pour le ski, ni trop plat ni trop raide, pour peu d’avoir la patience d’entamer et de finir les journées par de longs vallons quasi plats au fonds des grands canyons qui entaillent les accès à la partie haute de la chaine.

Décrire les itinéraires quotidiens en détail n’a pas grand sens, les sommets comme les cols et les vallons n’ont en général pas de nom, le mieux est de se fier à son instinct en visant les combes et les bosses permettant le meilleur ski – la topographie laisse un choix quasi infini de combinaisons plus ou moins exploratoires. Nos traces GPS donneront quand même quelques idées de balades… Elles ont toute été réalisées à la journée, soit directement au départ des villages, soit depuis des bords de route où nous nous étions fait déposer, parfois en traversée inter-villages…

Sur le plan pratique, le voyage était organisé par le Bureau des Guides de Corse avec 2 formidables guides globe-trotteurs (Cédric Specia et Manu Riaulec) spécialistes du ski de rando exploratoire aux 4 coins de la Méditerranée et de la planète (Antarctique, Islande, Japon, Kirgistan, Albanie…). Sur place, nous étions accompagnés par l’agence iranienne Iran Mountain Zone qui avait organisé les hébergements (presque toujours chez l’habitant, quasiment aucune infrastructure touristique !), le cuisinier, les jeeps… Inutile de dire que nous n’avons quasiment croisé personne (1 groupe aperçu au loin, rarement quelques vieilles traces…) bien que la destination commence petit à petit à se faire connaître.

Le petit journal de bord qui suit reprend les récits de quelques uns des participants tel que publié sur c2c : Agnès & moi, Pascale, Valérie, Céline. Pauline, Beno, Manuel, Bernard & Bea + Cédric & Manu nos 2 guides.

Mercredi 22.02.2017 – Départ

Vol Genève – Istanbul – Ispahan, arrivée à 3h30 du matin dans la nuit de mercredi à jeudi… On peut faire le visa sur place en étant muni d’une invitation. Se munir aussi d’un certificat d’assurance accident / rapatriement spécifiant que l’Iran est inclus dans la couverture (sinon certificat ad-hoc à établir sur place, 15€, 1h de plus…).  2 participants avaient tenté de planquer du vin dans les bagages mais les préposés au scannage de l’aéroport d’Ispahan ont l’habitude et un oeil exercé, même à 4h du matin. Confiscation souriante mais ferme, quand on leur a suggéré pour rire « you can drink it by yourself » ils ont juste répondu d’un air jovial « oh no, that is against the law ! ». Bref le Bordeaux n’était surement pas perdu pour tout le monde…

Jeudi 23.02 – Bergerie de Chelgerd

  • Itinéraire : Voir ici
  • Altitude min / max : 2380 m / 2780 m
  • Dénivelé : +800 m / -800 m
  • Longueur totale : 8.3 km
  • Météo : Neige, un peu de vent, pas froid.
  • Conditions : Bonne chute de neige qui permet de refaire une couche correcte et poudreuse dans les versant N, mais qui ne permet pas de palier le manque de neige en versant S.

Céline

Monts Zagros nous voilà ! Après des retrouvailles étalées entre Genève, Istanbul et Ispahan la troupe est au complet. 3h de minibus passés à somnoler ou carrément dormir et nous voilà attablés devant un plantureux p’tit déj dans notre lodge. Une fois repus, 2 options s’offrent à nous, glander toute la journée ou aller explorer la région… Toute la troupe se prononce pour la 2ème solution, au vu du peu d’attractivité des curiosités locales et de la sieste sur les tapis persans !

Un bon 1/4 d’heure plus tard, après avoir traversé Chelgerd, nous voici prêts à chausser les skis, direction le sommet d’une croupe dans le brouillard et sous la neige. La montée a été plutôt en mode papottage (comme tout le séjour du reste), et la descente un gros délire dans une belle poudreuse en fond de combe. Une fois en bas, il reste 2h jusqu’au retour de nos chauffeurs et des véhicules; du coup direction la croupe d’à côté pour refaire un tour dans le même style.

Au retour au lodge, après une tentative de Bertrand en farsi pour faire diplomatiquement comprendre au chauffeur qu’on est pas au Paris-Dakar, toujours pas de matelas… on se contentera de la mode locale, de couvertures étendues sur les tapis comme lit. Après une quasi nuit blanche, on s’en accommodera sans peine ! L’attraction du jour que l’arrivée du groupe dans le hameau, certains locaux profitant de venir se faire photographier entre 2 femmes non-voilées et à cheveux courts !!!

Pauline

2 ans après la première tentative de voyage ski en terre Perse (avortée pour des raisons politiques), nous y voilà ! Quelques connections plus tard, de l’attente pour les Visas, toute la troupe se retrouve à 5h du matin sur le fronton de l’aéroport d’Esfahan. Il doit faire entre 4-5°C. Ambiance ! Direction Chelgerd dans la massif des Zagros, les mini-bus chargés de voyageurs embrumés… Le micro-dodo de 3h entrecoupé de brusques secouages de côtelettes (dos d’âne) dans les mirettes, on découvre le « lodge » et la fabuleuse équipe de locaux avec le super Hadji notre cooker au grand sourire.

Petit déjeuner plantureux et v’là t’y pas que El Senor Manu dit Riou et Cédric la Frite nous proposent d’aller faire un tour de ski. Pris entre la fatigue et la découverte des lieux, personne ne se rebelle et nous suivons les guides. Bien nous en a pris même si certains étaient un peu sceptiques. Il faisait un temps pourri mais finalement pas trop froid. La neige était bonne. Une excellente mise en jambes ! Des paysages, nous ne verrons pas grand chose si ce n’est un bref aperçu du cosy bourg de Chelgerd. Par « cosy » entendre « station de ski dont le cachet est à valoriser et au potentiel inexploité ». De toute façon pour les beautés persannes, c’est à Esfahan que cela se passera. Et les montagnes de Zagros nous dévoileront tout leur potentiel dès le lendemain… Patience. Retour au lodge pour une première soirée commune.

Bertrand

ایرانیان خیلی تند میروند.. (Irâni’ân kheyli tond miravand / les Iraniens roulent vite). Voilà ce que je n’ai cessé de répéter aux chauffeurs toute la semaine pour tenter de leur faire comprendre qu’on était terrorisés (et pas pressés), sans pour autant leur faire perdre la face…Visiblement ma prononciation était correcte, c’est juste leur réaction qui n’était pas celle escomptée : un vaste sourire, un pouce tourné vers le ciel et un « bâlé » (oui !) sonore montarit simplement qu’ils le savaient et qu’ils en étaient fiers !

Pour le ski en cette 1ère journée les filles ont tout dit. Faut dire qu’elles étaient majoritaires (6 sur 10 clients), seuls la présence des 2 guides permettait de revenir à la parité… pas banal au coeur des montagnes reculées du Zagros. On a fini par remarquer qu’Allah était grand puisqu’apparemment il neige tous les jeudis afin de permettre aux skieurs du dimanche (= le vendredi ici) de profiter du seul jour d’ouverture des remontées de Chelgerd pour dévaler les pistes sur de la poudreuse toute fraîche.

En tous cas nous avons skié au GPS et sous le grésil le jeudi de l’arrivée et le jeudi du départ avec au milieu 6 jours de ciel d’un bleu catalan mettant en valeur l’invraisemblable terrain de jeu du Zagros, un océan de sommets entre 3000 et 4300 à perte de vue, enneigés à point et dont les 3/4 semblent skiables… au prix parfois, il est vrai, de longues approches car le réseau routier est évidemment bien moins invasif que dans les Alpes. On trouve pourtant pas mal de villages habités à l’année à > 2300m… L’allure des dits villages (ramassis de bicoques inachevées de brique ou béton posées au milieu des remblais) constituait d’ailleurs une solide motivation pour rallonger au maximum les journées de ski quelque soit la météo ambiante !

Vendredi 24.02 – Alikhani waterfall

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : En circuit d’Alikhani à Khasr u Abad
  • Altitude min / max : 2350 m / 3050 m
  • Dénivelé : +1200 m / -1200 m
  • Longueur totale : 17.0 km
  • Météo : Grand beau, -20°C au départ, puis chaud dès qu’on monte un peu. Cagnard dans la 2ème montée!
  • Conditions : Neige poudreuse dans les versants N, printanière dans les pentes S.
  • Accès : Grosse angoisse au vu de la neige sur la route, des vitres givrées intérieur et extérieur, de l’état des véhicules et surtout de la manière de conduire des locaux… mais on est finalement arrivés à bon port sains et saufs!

Céline

2ème jour de notre Zagros-trip. Après une première journée passée sous la neige, une nuit sur tapis persans, un petit déj consistant et un trajet en jeeps plutôt effrayant; nous arrivons dans un bled-congélateur nommé Alikhani, qui est habité même en hiver par quelques familles.
Montée tranquille, traversée de ruisseau, col et sommet. Première descente dans une poudre d’enfer, arrivée à la confluence de 2 vallons repeautage et montée en fond de vallon, en plein cagnard pour rejoindre une croupe avec peine tellement il faisait chaud ! Bon petit pique-nique avec les sandwichs confectionnés avec brio par Hadji et Ali pour reprendre des forces avant une belle descente.

Repautage au même endroit, pour remonter au 1er col, parfois en bottant pas mal dans la neige encore très froide et poudreuse de cette combe. Ensuite traversée à flanc jusqu’à pouvoir basculer dans la vallée qui descend sur Khasr u Abad. De nouveau de la poudreuse, et de jolies pentes pour rejoindre la route avant le village. En attendant nos chauffeurs quelques véhicules d’un autre siècle passent, s’arrêtent parfois pour échanger quelques mots avec notre expert en farsi!

Retour au lodge, pour un bon goûter, une douche bien chaude (à condition de ne pas se tromper de tuyau entre celui de la douche-douche et celui de la douche-WC…) et de bon moments de partage.

Pauline

Une magnifique mise en bouche des journées à venir que celle-ci. Des paysages vallonnés, une neige soyeuse et de de la bonne compagnie. Le départ sous un froid pincant dans le bourg avec ces brumes de froid ne sera vite qu’un lointain souvenir, d’autant plus qu’on se fera littéralement cuire sur place lors de la 2ème montée. Qui a mis le four sur Thermostat 12 ? Découverte du panorama Made In Zagros…des sommets, croupes à skier à profusion, moyennant quelques kilomètres d’approche. Et tout cela sous un ciel extra bleu ! Retour au Lodge Sweet Lodge après une belle journée ensoleillée.

Bertrand

Et dire que ce sera comme ça 6 jours durant – avec juste une inflation quotidienne de distance et de dénivelé pour profiter des conditions. Quel pays ! Quelle neige ! Rarement vécu de tels contrastes de température entre l’aube glaciale au hameau improbable de Shikh Alikhan (ou 5 familles vivraient à l’année, difficile à concevoir pour nous…) et le cagnard terrible régnant vers midi dans le fond des vallons. La combinaison d’air froid et ultra sec, de soleil très haut dans le ciel (on est à la latitude de la Tunisie), d’absence de vent, et d’altitude élevée (3000-4000m) permet curieusement à la neige de rester belle et poudreuse en versant N alors qu’elle printanise rapidement ailleurs presque sans passer par le stade croute. Faudrait qu’un pro de la nivo nous explique tout ça, nous on a fait que constater…

Le relief permet d’imaginer des combinaisons à l’infini en privilégiant plus le ski que les sommets, qui sont de toutes manières presque tous des bosses anonymes de même que les cols et les vallons – les itinéraires proposés ne sont donc que des suggestions, sur le terrain on peut toujours choisir de viser la combe ou la bosse d’à coté, d’écourter la traversée s’il fait mauvais ou de la rallonger par X repeautages (ce qui fut souvent le choix de nos guides Cédric & Manu, vous l’aurez compris…).

Samedi 25.02 – Dôme de Neykanan

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : Circuit des combes
  • Altitude min / max : 2350 m / 3450 m
  • Dénivelé : +1840 m / -1840 m
  • Longueur totale : 22.2 km
  • Météo : Grand beau, -20°C au départ, puis chaud dès qu’on monte un peu. Cagnard dans la 2ème montée !
  • Conditions : Neige poudreuse dans les versants N, printanière dans les pentes S.

Céline

Départ matinal, après paquetage des bagages vu que ce soir nous changeons de « lodge »; on verra si c’est moins rustique, ou pas… Montée tranquille par un joli vallon, en compagnie de 2 chiens du village, qui nous suivrons tout au long de la journée. Arrivée sur un premier sommet, en admirant nos courbes du jour précédent. Descente de 300m dans de la jolie poudreuse; repeautage pour monter sur une croupe un peu plus loin.

Du bottage car en moins de 10m, d’un côté à l’autre de la crête ça varie de neige humide à neige très froide. Arrivés en haut, nous remarquons qu’un autre groupe suit plus ou moins nos traces. Ce sera le seul jour où nous n’aurons pas la montagne pour nous tous seuls!  Après un petit sandwich aux oeufs et épinards, départ pour une 2ème belle descente. Comme on a le temps, ce serait dommage de rentrer tout de suite. Du coup, on remet encore une fois les peaux, on se met en mode temps chaud et c’est parti pour une bonne heure de cagnard jusqu’à un col où les moins fous décident d’en rester là.

Les enragés continuent pour un petit 150m de D+ supplémentaire… qui sera plus proche des 400m au final… Pas grave on est en haut, la vue est belle, la descente se présente pas trop mal, notre copain le chien noir est toujours là, que demander de plus ? De la poudreuse pardi… Elle sera au rendez-vous, même si par endroits ça a déjà un peu pris de soleil, mais tant pis… Fin de descente dans un magnifique canyon, avec parfois des passages un peu chauds. Bernard a bien failli passer dans la rivière…

Arrivée au village, la table est mise, reste plus qu’à se réhydrater avec un succedané de bière sans alcool, et du jus de raisin dilué. Notre lodge est un plus confortable, mais méfiance avec la porte des WC qui avait tendance à se coincer… certains ont du appeler à l’aide pour en ressortir… On garde les bonnes habitudes, 20h30 sur les tapis pour être en forme pour la nouvelle grosse journée qui nous attend le lendemain.

Pauline

Le départ skis aux pieds laissait présager un long « enroulage » comme Manu et Céd’ en ont le secret… Et bien nous ne serons pas déçus ! Une très belle journée à tracer des vallons tout blancs. L’alternance : poudre – chaleur – canyon. Que’ste ce que c’est beau ! Rencontre furtive avec le groupe de poursuiveurs (qui s’avèreront être bien des savoyards et haut savoyards, malgré les médisances de mes camarades sur leurs supposées origines germaniques :P). Nous ne les recroiserons pas du séjour… peut être avons nous effleuré leurs traces !

Arrivée au village de Neyakan, après une belle descente dans un canyon (qui a manifestement attiré Bernard), notre nouveau point de chute. Perso je m’y sentirais comme à la maison (le tapis pour faire dodo devient presque moelleux à force). On est surtout dans une maison habitée avec des gens qui vaquent à leurs occupations. On ne comprend pas forcément tout mais ce n’est pas bien grave…

Bertrand

Journée en traversée aujourd’hui, histoire d’aller voir si le lodge de Neyakan est plus confortable que celui de Mammad Abbas. Les 2 hameaux sont séparés par 4 km de route dégagée, mais le chemin des écoliers emprunté fera fumer le GPS (22.2km / +1840m) avec comme tous les jours un enchainement de combes, de vagues sommets anonymes et de repeautages en plein cagnard. Le terrain est toujours taillé pour le ski, la neige est toujours merveilleuse à skier, à se demander pourquoi le monde entier ne vient pas skier ici. Peut-être est-ce dû à la capacité hotelière, euh, encore balbutiante ? Le lodge du soir n’est pas plus grand que celui du matin, on y dort toujours par terre en rond sur les tapis autour de la table, toujours pas de WIFI – en fait il n’y a même plus de réseau. Mais le courant fonctionne sans interruption, c’est déjà un gros plus par rapport au Népal !

Nous sommes cette fois-ci directement hébergés par la famille de Mr Süleymanié, tous plus gentils les unes que les autres. Inutile de dire qu’au 3ème mot de persan péniblement articulé ils ne me lâcheront plus, les invitations se succéderont pour tout savoir de nous et de notre lointain monde occidental. Une rude école d’immersion complète au bout de 3 mois d’apprentissage du farsi… Le cuisinier Hadji parle heureusement un peu anglais car je ne comprend pas grand chose à son dialecte, me contentant de répondre d’un air benêt par des sourires approbateurs. Cela nous permet d’apprendre qu’il a été successivement cuistôt du Hilton Téhéran, himalayiste chevronné (Tour de Trango, Ama Dablam…), avant de revenir à son métier d’origine d’abord pour les pélerins de la Mecque et enfin pour l’agence Iran Mountain Zone, la référence du pays dans ce domaine (la montagne, pas la cuisine !)

Le goûter roboratif de 16h (à base de dates, halva, biscuits et pistaches) est suivi 3h plus tard d’un diner tout aussi nourrissant (soupe à l’orge, riz, viande, chapatis, bière 0°, halva-bis…). Faut dire que Manu & Cédric ont annoncé la couleur : demain ce sera encore plus long (!) et on frisera même la barre des 4000m…

Dimanche 26.02 – Taraddou depuis Neyakan

  • Altitude min / max : 2400 m / 3980 m
  • Dénivelé : +1650 m / -3980 m
  • Longueur totale : 23.5 km
  • Météo : Grand beau, -10° le matin, bien chaud dès la fin de matinée, vent sensible sous le sommet.
  • Conditions : Comme toute la semaine : poudreuse tassée en versant ombrée, neige de printemps dans les contrepentes au soleil, 0 carton 0 croute.

Bertrand

Il aura fallu attendre le 4ème jour pour skier un sommet nommé. Qui plus est un quasi 4000 ! Mais les 20m manquants étaient un peu haut pour construire un gros caïrn ou une pyramide humaine. Sommet emblématique du vallon de Neyakan, le Taraddou se voit d’un peu partout, comme on le constatera au cours des jours suivant aux alentours de Chelgerd. La réputation de cette belle pyramide semble pourtant avoir du mal à franchir les limites de la mer Caspienne allez savoir pourquoi…

Nouvelle grosse journée après les +1840m de la veille sur le dôme de Neyakan (non, ce n’est pas un autre sommet officiel, c’est moi qui ai inventé le nom…). Certains ont un peu serré les dents sur la fin mais l’élite du groupe s’est montré magnanime en les attendant patiemment au dépôt de ski. Les 50 derniers mètres se font à pied avec un petit passage de I+ (voire même II-) court mais pas si commode en chaussure de ski – merci à la courte échelle de Cédric ! Le verrou rocheux vers 3000m se franchit grâce à un petit goulet (50m de portage) pouvant exiger les crampons. Bref cette interminable bavante, le Buet de la région avec juste 100 fois moins de monde (et bien plus de distance…) est agréablement pimentée par de petits obstacles rompant la monotonie.

Ce qui pimentera ma journée de façon bien moins agréable sera le divorce définitif d’une de mes carres avec son conjoint d’origine Dynastar 7 summits. Une 1ère séparation temporaire à l’occasion d’une sortie familiale dans le Queyras laissait certes craindre pour la stabilité du couple, mais la thérapie conjugale, à grand renfort de glu, proposée par l’artisan d’Aiguilles semblait avoir permis de surmonter à jamais la crise entre les 2 époux. Que nenni, quand ça commence comme ça on sait comme ça se termine. « Jamais vu une réparation de carre tenir – un peu gonflé de ta part de venir un Iran avec ça » me dira Manu avec un soupçon de reproche dans la voix. Avant de me prêter, dès le lendemain, la paire de skis de rechange qu’il avait eu la bonne idée d’amener. Des Movements Vertex. Le reste du groupe m’a expliqué que je skiais d’un seul coup « pas si mal ». Bref je fais désormais partie de la secte de la pomme suisse.

Sur le chapitre des sectes, c’est Jean-Emmanuel qui nous expliquera le soir même – gentiment et avec un humour désopilant – qu’aligner ainsi les sorties monstrueuses (4700m au cours des 3 jours passés, évidemment agrémentés d’un maximum de plat) nous classait à ses yeux dans la même catégorie que l’Ordre du Temple Solaire. Et qu’il préférait donc nous quitter temporairement avant l’immolation collective finale sur une bavante (qui sait) encore plus terrible… et nous retrouver en fin de séjour à Ispahan !

Céline

Pas grand chose a ajouter à la prose de Bertrand… Au départ on avait été averti qu’on partait pour une grosse journée, mais après 2h de plat ou presque, en voyant le sommet, on s’est dit que c’était pas gagné… loin, loin, loin et haut! Pour finir, on y est tous arrivés, avec plus ou moins d’entrain, mais tous aussi heureux de se retrouver au sommet! Une vue incroyable de là haut, des sommets sur 360°, des frontières de l’Irak au confins du désert, sous un ciel bleu sans une trace d’avion! Belle descente, du grand ski encore une fois, on ne s’en lasse jamais…

Nouille

Manu et Cédric avaient anoncé une grosse, grosse journée, avec leurs sourires enjôleurs. Pour connaître un peu les bestiaux, je m’étais préparé psychologiquement à une grosse, grosse, grosse, grosse, grosse, grosse journée. Et bien ils n’ont pas menti ! En terme de D+ c’était pas l’affaire du siècle mais qu’est ce qu’on a fait de la borne !

Mais, car il y a toujours un Mais, cela le valait amplement !!! La vue au sommet de « la grosse courge » (il semblerait que Tarradu soit le nom d’un légume, ainsi nous l’avons classé de notre propre chef dans la catégorie cucurbitacée) est simplement extraordinaire. Toute l’immense chaîne des Zagros se déploit sous les yeux. Et puis le cadre de la balade était plutôt jolie (canyon, combe fournesque, goulet, combe ventesque, ressaut rocheux sommital), même si j’ai du me mettre en mode « zen-j’ai pas mal-je ne déteste pas Cédric malgré sa trace à gauche raiiiiiiiiiide » dès le passage du goulet, faute à mon psoas droit qui n’a que peu apprécié les 10kms d’approche quasi-plat. Avec Manuel, on a fait les Lanterne Rouge du peloton mais nous y sommes arrivés ! Pas peu fiers !

La descente a tenu toutes ses promesses (sauf sur les premiers 100 mètres) avec une alternance de poudre tassée, moquette à poils courts vers le mi-long. La régalade !!! Elle aura aussi coûté la vie aux Seven Summits de Bertrand, qui feront le bonheur des gosses du hameau. Bon force est de constater que cette aventure courgesque aura eu raison de la volonté de Manuel qui malgré nos supplications [il n’a peut être pas tort quand il dit que nous sommes sous influence :)] et nos propositions de J5 « relax », Manuel donc décide que ce Tarradu sera son dernier exploit iranien à skis. Nous le retrouverons avec plaisir pour la partie « culturelle » du voyage à Esfahan.

Lundi 27.02 – Neyakan

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : Cime 3150 – traversée SE – E (et rab pour les accros !)
  • Altitude min / max : 2400 m / 3150 m
  • Dénivelé : +950 m / -950 m
  • Longueur totale : 12.0 km
  • Météo : Grand beau, comme les autres jours
  • Conditions : Comme toute la semaine : poudreuse tassée en versant ombrée, neige de printemps dans les contrepentes au soleil, 0 carton 0 croute.

Céline

Un jour de repos (actif quand même, faut pas se laisser aller…) entre le Taraddou et le départ pour la découverte du massif au Sud de Chelgerd du jour suivant. Départ tardif, 8h, pour monter sur la série de croupes dominant le village, et rejoindre un 1er sommet sans nom, puis un 2ème, avec une jolie vue et surtout une magnifique descente !

La troupe s’effiloche au fil des jours, des ampoules et de la fatigue. Manuel a préféré aller s’occuper de pieds de porc brésiliens plutôt que de voir les siens se couvrir d’ampoules de plus en plus grosses et douloureuses, la bonne excuse pour rejoindre la civilisation… On le retrouvera toujours de bonne humeur jeudi après-midi après son escapade à Chiraz et Pérsépolis.

En arrivant au fond de la vallée, une partie de la troupe décide de repeauter et vu que ça ne vaut pas la peine pour les « que » 30m pour passer la bosse et rejoindre le village; ils décideront de remonter, soit sur la première croupe, soit plus haut, soit au 1er sommet… L’après-midi se passera sur la terrasse du lodge a papoter, bouquiner, boire le thé et refaire le monde !

Pauline

Enfin !!!! Enfin une journée tranquille. Nous sommes en vacances que diable ! 😉 Papotage, nombreuses pauses, profiter, prendre le soleil… Et en plus skier une neige de malade. J’ai presque regretté de ne pas avoir eu la motivation de suivre les plus motivés pour la 2nde descente dans la combe poudreuse repérée à la montée. Mais, le petit thé au soleil sur la terrasse, un bon livre étaient tout de même salutaires pour une bonne recharge des batteries.

Bertrand

Dernier jour à Neyakan avant d’aller découvrir le Chelgerd Lodge le lendemain. Repos actif, mais pour ma pratique du persan ce fut sans doute la journée la plus intense du séjour : invitation dans le village au retour (3 mots de farsi à un gamin sortant de l’école ont suffi pour me retrouver assis dans la famille avec thé, pain et 25 questions plus ou moins intelligibles). Puis re-invitation dans notre famille d’accueil les Süleymanie, en présence des 3 générations cette fois-ci.

Après m’avoir expliqué que le Shah d’Iran était un gros salopard, la fille cadette – plutôt délurée – s’est enhardie pour me demander d’abord si je ne pouvais pas emmener son bébé en Suisse (زندگي بحتر خاحد شد / zendegi behtar xhâhad chod ou un truc du genre, en gros une vie meilleure…). Bon pas sûr d’avoir tout compris, peut-être voulait-elle simplement que je le prenne dans mes bras… Avant de me demander de lui offrir carrément mon Iphone. Son Samsung – sur lequel elle a évidemment filmé toute ma réponse balbutiante avant de poster ça sur l’Instagram persan – lui semblait sans doute indigne de son standing. Le tout sous le regard un peu gêné des parents ! Bon avouons qu’elle avait vraiment de bien beaux yeux…

Pour ce qui est du ski, après avoir achevé de détruire les miens la veille dans la descente du Taraddou, je dois avouer avoir bien pris goût aux Movement Vertex que m’avait prêté Manu. C’est vrai que la neige de ce séjour iranien est restée invariablement parfaite, mais je me serais presque pris pour un bon skieur. J’ai même accepté de remettre les peaux avec les quelques enragés du groupe..

Mardi 28.02 – Dôme 3500m

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : Depuis la route Chelgerd – Fakhrabad
  • Altitude min / max : 2440 m / 3500 m
  • Dénivelé : +1450 m / -1450 m
  • Longueur totale : 20.3 km
  • Météo : Grand beau comme les autres jours mais néanmoins venté sur la croupe sommitale.
  • Conditions : Légèrement différent des jours précédents sur ce secteur plus au Sud de Chelgerd. Travail du vent qui incite à la prudence. Neige de printemps dans les contrepentes au soleil. Traces d’une avalanche spontanée de grande ampleur observée sur le massif un peu plus loin aux mêmes expositions dans un terrain légèrement plus raide (de visu).

Pauline

Manu et Cédric avaient envie d’aller voir un peu plus au Sud comment les choses se présentaient. Histoire de découvrir d’autres canyons et d’autres endroits à « enrouler ». Le postulat de départ : ça va être une longue journée, fini de glander MAIS on part en exploration, il n’est pas certain qu’on trouve un « vrai » sommet. Dans le postulat de départ, nous aurions pu ajouter :

– Allons-nous arriver entier après le trajet en 4×4 ?
– Allons-nous trouver la route ?
– Allons-nous trouver le pont ?

Finalement la recherche d’un sommet n’était qu’accessoire. Et puis de toute façon, les 700m de D+ manquant pour atteindre le « vrai » sommet nous décourageront tous… C’est trop loin ! 😀 Et la neige, elle est pas bonne. Bel endroit avec un enneigement plus tendu (beaucoup de travail du vent), dans lequel nous trouverons finalement de larges espaces de moquette à poil mi-long pour lâcher les chevaux. Retour au fond de canyon pour un pique-nique au calme et ensoleillé (la pause au sommet ayant été écourtée d’un commun accord par tout le groupe en raison du vent). Manu nous tentera l’esbrouffe d’un bain dans le torrent glaçé… et puis finalement non ! Et le plaisir de repeauter pour atteindre la route. Une bien belle journée, une de plus lors de ce voyage dans les montagnes persanes.

Bertrand

Changement de toile de fond aujourd’hui : même si on a surement pas skié plus de la moitié des vallons des Neyakan, c’est sympa d’aller découvrir autre chose. Le trajet à Mach 2 sur des routes pas toujours bien nettes est à peine moins terrifiant que l’avalanche cyclopéenne qui a dévalé sur 500m de large un versant NE pourtant pas si raide. Toutes les lumières rouges s’allument chez nos 2 guides : visiblement le manteau neigeux du coin est encore plus miné que celui des Alpes millésime 2017. Heureusement que le relief du Zagros offre toujours le choix de skier des combes ou des croupes safe au milieu de pentes plus prononcées…

La balade commence par 200m de descente à la recherche d’un pont bien caché permettant de franchir la rivière du canyon. A remonter au retour évidemment. Bon sur le moment on était tellement soulagés de trouver le pont après avoir survécu au trajet que c’était vraiment le cadet de nos soucis. Sinon toujours du bon ski et de la poudreuse au bout de 5 jours de grand beau, vraiment surprenant. Une vague bosse à 3500m sera baptisée sommet de la journée avant de refiler au plus vite en bas sous un vent bien pinçant.

Fin d’après-midi en mode découverte-shopping dans les rues (enfin la rue…) de Chelgerd sous une bise glaciale. Evidemment on ne passe par inaperçus et 2 gamins de retour de l’école nous harponnent rapidement pour tester leur anglais. Incapable de comprendre plus que « how are you » je bascule en persan. Là c’est moi qui arrête de comprendre les réponses ! Il va sans dire qu’ils ne nous lâcheront plus jusqu’à chez eux, trop heureux de pouvoir se bidonner devant cet étranger qui tente de leur raconter la Suisse dans un persan livresque constellé de fautes et de contresens…

Sinon les boutiques (enfin les épiceries) sont accueillantes, il y fait bon chaud malgré la porte ouverte et l’isolation absente, Comme le gaz ne coute quasiment rien chacune dispose d’un énorme poële au milieu de la pièce chauffant autant les clients que les petits oiseaux au dehors. En l’absence de bar ou de resto, c’est le lieu de rencontre des habitants, toujours un peu étonnés qu’on puisse venir de si loin pour se balader par ici, mais uniformément gentils et bienveillants. Faut dire qu’en dehors des belles montagnes blanches qui l’entourent, Chelgerd est quand même relativement sinistre, un ramassis désordonnée de bicoques de bétons décrépies posées au milieu des remblais et de tas de neige sale. Bref on se dit qu’on a eu du bol d’avoir du beau temps sur quasiment tout le séjour !

Mercredi 01.03 – Dôme sud de Chelgerd 3940m

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : En circuit du col de Shikh Alikan à Chelgerd
  • Altitude min / max : 2320 m / 3400 m
  • Dénivelé : +1650 m / -1900 m
  • Longueur totale : 27.0 km
  • Météo : Grand beau froid se voilant un peu l’après-midi.
  • Conditions : Les 6.8k de piste du col au pont glissent pas mal le matin, sauf quand ça remonte… Par la suite idem aux jours précédents : poudreuse alourdie et tassée en versant, superbe neige de printemps à la descente par la pente ESE. Par contre la croupe sommitale présente un enneigement discontinu > 3350m avec portages obligatoires dans les 2 sens. La remontée au col par des pentes plein S passe ric et rac skis aux pieds grâce à la piste d’alpage. Nivo d’allure stable (bien plus que la veille), aucun signe suspect, mais les pentes N raides et chargées n’inspiraient quand même pas totalement confiance d’où notre choix de descendre vers l’E.

Pauline

La veille au soir, Cédric et Manu’ avaient « motivé » les troupes à coup « c’est le dernier jour de beau temps, faut se donner à fond » pour nous faire avaler la pilule de l’approche: route, faux plat, 5-6kms, à faire dans l’autre sens de bien entendu. J’aurais aimé que Manuel soit encore là pour entendre son analyse sur ses camarades de jeu totalement apathiques face à un tel programme. Je commence à me dire qu’il n’a pas tort, quand à notre caractère sectaire-sous influence ! 🙂

L’espace d’un instant, une rébellion prend forme pourtant, lorsqu’on tente de négocier encore une fois de laisser les crampons au lodge (6 jours qu’on les balade au fond du sac… et perso ce ne sont pas des alus mais de bons vrais crampons d’alpi…faut que je trouve des Hte Route !). Mais niet ! Ils sont intransigeants, nous les baladerons encore une fois. Départ dès potron-minet donc pour le col au dessus de Chelgerd, nos chauffeurs trouveront encore le moyen de se planter sur le lieu de dépose, et bien sûr la voiture avec les guides en queue de peloton. Ce sera le running gag de la semaine. Départ donc au petit matin pour une loooooooooooooooooooooooooooooooooongue approche jusqu’au pont. Ça descend doucement, ça remonte doucement. Chacun ira de sa solution pour avaler cela le plus efficacement possible: skis sur le dos, position télémark, position descente…

En tout cas on aura pas froid longtemps et on prendra notre mal en patience, la montagne convoitée est loin, on la voit tout le long. Le pont tant attendu, paysage féerique au fond de la vallée avec la brume. Puis remontée pour le long plat jusqu’au pied de la montagne. Comme expliqué par Bertrand, un dernier canyon néanmoins pour atteindre le pied de la montagne. Ca fait 3h que nous cheminons et nous attaquons seulement le D+ pour le sommet. Manu’ et Cédric ne se sont pas foutu de nous. Montée régulière dans des pentes un peu plus soutenues que les jours précédents, ça zig et ça zag. Ça sort aussi les couteaux. Arrêt sur la crête au premier déchaussage. Nous ferons quelques mètres à pied pour admirer le ligne de crête qui n’en finit pas ! S’arrêter ici et profiter d’un bon ski : ce choix est voté à quasi l’unanimité.

La descente ESE débusquée par nos têtes chercheuses est juste démente: moquette pile poil revenue, pente, débouchant dans le fond d’un canyon majestueux ! Majeur ! La descente valait bien l’effort matinal. Effort qu’il faudrait répéter dans l’autre sens, avec le soleil en pleine pomme. Mais aucune nécessité de tenir un horaire. Le retour se fera beaucoup plus papotant que l’aller avec en prime une arrivée skis aux pieds au lodge. Quelle journée ! Merci Manu’ et Cédric !

Céline

Pas grand chose à ajouter à la prose de mes compagnons, ce fut long, mais avec la beauté du paysage on oublie le temps qui passe… C’est vrai qu’après 3h de marche, en voyant qu’on était à la même altitude qu’au départ (et qu’il faudra refaire ça au retour…) c’est un peu dépitant ! Toute la troupe était d’accord avec l’arrêt sur la crête, et pas forcement la grosse motive pour continuer. Surtout qu’on ne voyait pas trop par où on pourrait bien redescendre. On a profité du coup d’une bonne pause pour déguster le sandwich du jour (galette, roestis, oignons, tomates, cornichons), pas de surprise aujourd’hui, vu qu’on les avait goûtés le soir d’avant, Hadji se sentant obligé de nous en offrir un, l’ayant surpris en train de manger en cachette…

Alors que là, c’était une descente d’anthologie qui nous attendait ! De la moquette, de belles pentes et une grosse ambiance avec l’arrivée en fond de canyon. Retour long, 1h45 de remontée, mais la bonne compagnie permet de passer le temps et de ne pas trop souffrir. La descente sur Chelgerd verra le début de l’agonie de mes Garmont Celeste, le mécanisme de blocage pour la descente rendant l’âme, sensation un peu bizarre sur le moment, mais on s’y fait…

Bertrand

Dernière journée avant le retour du mauvais temps comme chaque jeudi (Allah est grand et ordonne une livraison de poudre fraîche la veille de l’ouverture hebdomadaire des 2 téléskis de Chelgerd le vendredi…). Sachant qu’ensuite nous irons faire bouillonner nos neurones en visitant Ispahan, il faut donc en profiter au maximum. Les protestations sont donc plutôt timides quand Cédric annonce un réveil à 5h et un départ skis aux pieds à 6h au tout petit jour. Le sommet convoité (que nous n’atteindrons finalement pas) fera(it) en effet exploser les compteurs de D+ mais aussi de kms : près de 7km de piste ondulante au départ seront juste l’apéritif à une grande traversée à plat entaillée bien sûr d’un joli canyon découvert au dernier moment. Bref 3 h après, la peau des pieds un peu entamée et sans avoir gagné 1 mètre sur l’altitude du point de départ, nous sommes enfin au pied de l’ascension proprement dite.

L’heure avancée et la croupe sommitale en partie déneigée seront 2 excellentes excuses pour mettre la flèche sur une vague bosse vers 3400 – le sommet convoité 540m plus haut n’était de toutes façons lui aussi qu’une bosse anonyme du Seigneur des lieux, le Zard Kuh (4300m). Descente par une superbe et raide pente ESE dénichée par l’oeil avisé de Manu & Cédric, en moquette parfaite vers 14h, débouchant sur l’entrée d’un autre canyon extrêmement impressionnant entaillant les autres 4000m du massif. Repeautage puis redescente au pont. D’où 2-3km de plat et 300m de remontée incandescentes seront encore nécessaires pour gagner le col dominant les pistes de Chelgerd. On n’était plus à ça près, c’est vrai…la descente finale aura permis de skier enfin sur les pistes en question, désormais maigrement enneigées en ce début de printemps. Il parait que l’hiver a été pauvre en neige dans le Zagros, selon les habitants. Quand on voit ce qu’on a pu faire en une semaine, on se demande ce que ça doit être lors d’une année normale !!!

Jeudi 03.03 – Chelgerd sud Dôme 3640

  • Itinéraire : Voir ici
  • Info : Depuis la route de Dezak-e-Olya
  • Altitude min / max : 2570 m / 3570 m
  • Dénivelé : +1000 m / -1000 m
  • Longueur totale : 10.6 km
  • Météo : Couvert, petite neige, pas froid. Du vent dès la sortie de la combe sur la crête, de plus en plus fort et désagréable.
  • Conditions : Dur et soufflé sur les 300m du haut, neige de printemps juste décaillée plus bas, encore de l’excellent ski comme durant tout le séjour…incroyable Zagros !

Pauline

Dernier jour de ski en terre persane et comme un métronome bien réglé: il ne fait pas beau ! Alors ce sera journée relâche vers le Sud. La sortie de la veille a marqué les esprits et les corps: la veille au soir c’était le troc aux Compeed et autres bandes Strap au lodge. Valou décidera d’ailleurs de ne pas nous accompagner et de rentrer un jour plus tôt sur Esfahan. Petit plan pas si pire déniché par nos chers guides; la météo du jour n’étant pas facile à optimiser. Ce sera leur journée GPS du séjour. Ce ne sera pas la journée des photos aussi car dès la mi-parcours, l’horizon à 50cms se définira par un monochrome de whiteman, avec vent pinçant qui glace le museau.

1er arrêt sur une vague croupe avec quelques rochers qui affleurent. Déjà la troupe grelottante grogne quand Manu repart. Deuxième arrêt 100m plus loin, le terrain est plus dégarni. On devine un vague sommet après une brèche. La retraite est sonnée. Dé-peautage, masque, bonnet, moufles ! Feu flamme vers le bas…enfin à la queue leu leu dans un premier temps jusqu’à retrouver une altitude avec plus de visibilité et une neige type moquette d’excellente qualité ! Ça, c’était le cadeau BONUS de la journée. Dernier lâchage de chevaux dans la descente pour les protagonistes du jour. Longue pause pique nique au bord de la route à attendre Hadji et sa suite qui viennent nous récupérer. Dernière soirée sur Chelgerd, la partie sportive du séjour se termine. Lendemain, cap sur Esfahan, ancienne capitale de l’Iran et ses merveilles safhavides.

Un grand MERCI aux compagnons d’aventure pour les sourires, les rigolades, etc : Valou, Pascalou, Céline, Béa et Bernard, Agnès et Bertrand, Béno et son « canard », Manuel (on te prépare ton formulaire d’adhésion !); c’était un immense plaisir de partager ce voyage avec vous ! Big up à Manu et Cédric, professionnels, sympathiques, à l’écoute [NB: on a eu le droit de ne pas prendre les crampons pour cette dernière sortie !!! ;)]. Un vrai savoir-faire dans l’accompagnement !

À la prochaine les amis !

Céline

Nous ne partirons qu’à 10 aujourd’hui pour ce dernier jour de ski de ce séjour dans les Monts Zagros, après la très looooooooooooongue sortie du jour précédent , Valérie souffrant trop des côtes suite à sa chute sur son DVA. Nous la retrouverons demain à Ispahan pour 2 jours de tourisme, de gastronomie et d’aventures d’un autre style.

On savait le temps en train de changer mais ce n’était pas si moche que ça au départ, mais chaud (à peine 0°C au départ). De plus en plus couvert et venteux au cours de la montée; et carrément la tempête sur la fin. A la première bosse, on fait les moutons sectaires et on suit jusqu’à la bosse suivante. A la 2ème bosse, on se dit que ce sera notre sommet du jour et basta!

Début de descente sur la réserve, le but étant de ne rien casser et de ne pas se perdre… Ensuite dès que la visi s’améliore ce sera le lâcher des fauves sur la moquette! Arrivés à la route, pique-nique en attendant le retour des jeeps pour retourner ranger nos affaires avant le retour à la civilisation! Bertrand était très surpris de voir (enfin) une femme pousser la porte de notre lodge… avant de réaliser que c’était la sienne de retour de balade!

Bilan de notre séjour côté ski :

– De la neige fraîche les jeudis
– 6 jours de grand beau
– 10400m de D+ sur les 8 jours
– Des paysages fabuleux, une organisation sans faille (sans matelas non plus…) de l’agence Iran Mountain Zone et les guides Manu et Cédric de Couleur Corse
– Un groupe très homogène et fort sympathique; ce qui est appréciable dans ce genre de voyage qui nous fait sortir de notre zone de confort !

Bertrand

Un peu d’adversité pour adoucir le retour – s’il avait continué à faire beau certains auraient peut-être suggéré de raccourcir le programme culturel pour une journée de ski supplémentaire. Là au moins, entre le ski au GPS le grésil dans la figure et le retour à Chelgerd sous la bruine et dans la boue, les charmes d’Ispahan prenaient soudain une dimension supplémentaire ! Soirée endiablée au lodge, Hadji a passé l’après-midi à cuisiner du poisson, la bière (0°) coule à flot, on promet de se revoir une autre fois sur l’Alam Kuh dans l’Alborz (l’autre grand massif iranien à coté de Téhéran). Quel pays !

Vendredi & samedi 04.03 : Ispahan

Ispahan, en dehors d’être une ville superbe, a le bon goût de se situer à moins de 3h du massif du Zagros. Nous aurons donc une journée 1/2 pour en découvrir les merveilles en compagnie d’une charmante guide locale dont le français ferait rougir plus d’un Parisien (du style « sous l’ogive vous distinguez une série d’alvéoles curvilignes… »).

La liste des visites incontournables :

  • La place royale et ses 2 magnifiques mosquées. Ambiance bon enfant en ce jour férié, plein de gamins à vélo, de familles allongées sur l’herbe à pique-niquer…comme partout des regards bienveillants, des paroles de bienvenue désintéressées, et même quelques interviews qu’il a fallu donner à des groupes d’écoliers avides de tester leur anglais. Autant en persan j’avais souvent du mal à comprendre les réponses, autant en anglais c’est leurs questions qui m’ont souvent obligé à les faire répéter…
  • Le pont des 31 Arches qui enjambe hélas une rivière désormais à sec depuis 4 ans, de même que son voisin le pont Khaju
  • Le bouillant quartier arménien, ou tout est ouvert à 22h même les jours fériés, ses restos (presque) branchés, sa foule bigarrée ou se cotoient sans se voir des grappes de jeunes minettes, surmaquillées, en jeans moulants et foulards minimalistes et les inévitables corbeaux – femmes mûres au regard sévère sous leur grande robe noire.

Notre guide culturelle profitera du diner pour nous raconter – avec une totale liberté de langage – toutes les petites astuces de la classe moyenne urbaine pour soulever un peu la chappe de plomb : comment manger au restaurant pendant le ramadan, se procurer des films interdits ou des contraceptifs, contourner le blocage de facebook, dégoter une bonne bouteille au nez et à la barbe des mollahs… Nul doute que l’Iran connaitra tôt ou tard une 3ème révolution, cette fois-ci plus en douceur espérons-le.

Et au programme du dimanche :

  • La mosquée du vendredi au nord de la ville, la plus impressionnante de toutes
  • Le palais des 40 colonnes et son beau jardin
  • L’église arménienne et sa coupole dorée (pour changer du bleu)

Je n’ai évidemment pas pu résister au plaisir d’aller courir le lendemain matin (pour les intéressés détails ici le long de la rivière (de sable). Choc culturel total : j’ai dû me pincer pour me dire que je ne rêvais pas, je me serais cru dans une ville écolo d’Allemagne du Nord : toute la rive est aménagée sur près de 10 kms (!) de façon exemplaire pour la mobilité douce, verdure, piste cyclable, chemin piétons, toilettes, agrès, franchissement souterrain des ponts, rien ne manque à l’appel. De nombreux habitants font de la gymnastique matinale en groupe, certains courent (!), voire même certaines (!!). Un paradoxe de plus dans un pays dont les autochtones adorent pourtant rouler à tombeau ouvert dans des voitures d’un autre âge…

Nous éclusons nos derniers rials dans les boutiques bordant la place royale. Nos dernières liasses, pour être plus précis : à 40.000 Rials pour 1 Euro chacun a vite fait de se sentir millionaire. 3 CD de musique persane + 3 méthodes de persan pour la prochaine visite (j’avais quasiment achevé l’Assimil) pour 20 Euros résumeront l’ensemble des dépenses du mari : la bourse commune laissera donc tout loisir à Agnès de se défouler sur l’artisanat local…

On a bien sûr gardé le pire pour la fin : le retour. Réveil à 0h45 le dimanche matin (sic) pour arriver à l’aéroport à 1h30 en prévision d’un vol à 4h. Lequel partira avec 1h de retard – une bonne dose de stress avec juste 1h30 de battement à Istanbul. Miraculeusement, hommes, skis et bagages arriveront tous à l’heure à Genève. Enfin presque tous : Pascale et Valérie, dont le visa avait été par mégarde établi sur une période un peu courte et avait donc expiré l’avant-veille, se verront refouler au contrôle de police. Elles regagneront finalement leurs pénates après 24h dans les geôles iraniennes. Non ça c’est moi qui invente, elles réussiront à prendre un vol le jour suivant après avoir pu régler leur cas avec l’aide de notre prestataire local. Elles sont pourtant elles aussi partantes pour revenir…